La Légende des quatre familles

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La légende raconte qu’il dut gravir seul la pente de la montagne à la recherche de l’entrée de la grotte. Le ciel dégagé aidait son ascension mais le froid mordant de l’air hivernal faisait rougir ses joues et engourdissait ses doigts. Le nain suivait attentivement les instructions topographiques de sa famille.

Après le col des trois vallées, il avait longé la crête dentelée, gagné la forêt en longeant le torrent vert et bifurqué vers la cime du nord. Son rythme et sa motivation ne flanchaient pas malgré l’effort, car l’honneur de sa famille et la victoire contre l’envahisseur dépendait de lui.

- Jeunes représentant des quatre familles, bienvenue, clama la voix autoritaire mais calme du roi nain. Je vous ai réunis aujourd’hui pour vous attribuer à chacun une mission de la plus haute importance.

Les quatre nains demeuraient agenouillés face à leur roi, les mains croisées reposant sur leurs marteaux dressés au sol, arborant les armoiries bestiales de leur lignée. Le basilic, le griffon, le Léviathan et le golem. Le monarque reprit son discours dont l’écho rebondissait sur chaque colonne de pierre soutenant la voûte cathédrale de la longue salle du trône :

- Comme vous le savez, les gobelins gagnent du terrain, la ligne de front recule. Leur surnombre les avantage. Les stratèges prévoient l’invasion de la capitale dans six jours si nous ne faisons rien. Chacun d’entre vous se verra attribuer une mission secrète. Vous ne pouvez pas échouer. Votre vie, nos vies et celles de votre famille en dépendent.

Les quatre portes latérales de la salle grincèrent en s’ouvrant. La lumière invita chaque nain à gagner celle comportant l’emblème de sa maison. Derrière la porte du griffon, l’aîné de la famille découvrit la silhouette voûté de son grand-père.

- Viens t’asseoir et écoute attentivement.

Le jeune s’exécuta et mémorisa les paroles et les conseils de son ancien. Une carte lui fut remise, ainsi qu’un lourd sac de provisions, un sifflet et un tonnelet d’huile.

- Maintenant pars, trouve la grotte du griffon, combat le pour qu’il t’obéisse et brûle les réserves du camp ennemi. Toute la famille compte sur toi. Le roi lui-même t’implore de réussir. 

Elle était là, au creux d’un replat, l’entrée béante de la grotte creusée dans la roche, l’antre du griffon. Le nain resserra sa prise sur le manche de son marteau. Il réveilla son courage d’une grande inspiration, supportant la brûlure de l’air dans ses poumons et pénétra dans l’ouverture sous la montagne.

Des bruits lugubres parvinrent à ses oreilles, tandis que ses yeux tentaient de s’habituer à l’obscurité. Des os craquèrent. Le bec claqua. La chair se déchira. Il distingua bientôt la silhouette féline surplombée d’imposantes ailes repliées au plumage bicolore.

Occupé à son repas, le griffon ignora sa présence. Le nain empoigna son marteau d’une main et tira sur son collier de l’autre. Un sifflet forgé en acier pendait à la chaîne autour de son cou. Il le porta à ses lèvres et souffla vivement.

Un cri perçant résonna dans la grotte. La bête se redressa instantanément et répondit d’un sifflement plus perçant encore. Mais en découvrant la silhouette nanique, son hostilité reprit le dessus. Les deux ailes s’ouvrirent, il bomba le poitrail et se dressa sur ses deux pattes arrière de fauve, présentant deux serres aiguisées aux yeux de sa future victime. La patte avant gauche fendit l’air. Le nain bondit de côté, frappant la serre avec son marteau pour en dévier le coup. Il siffla à nouveau. La chimère recula en secouant la tête avant d’attaquer à nouveau.

Le bec pointu désarma le bipède d’un estoc précis. Le nain fut violemment projeté contre la paroi rocheuse de l’antre. Malgré la douleur dans ses côtes, il continuait de siffler, constatant l’ardeur du griffon diminuer. La respiration du fauve à tête de rapace se calma. Son corps musclé se détendit et ses pattes fléchirent. L’animal se coucha, le buste toujours droit, n’abandonnant pas sa fierté dans la soumission. Le nain resta longuement silencieux, le sifflet toujours serré au creux de ses lèvres.

Sa douleur fut éclipsée par l’émerveillement face à cette majestueuse créature. La bête l’observait calmement, le jaugeait. Il contourna l’imposant bec et s’approcha du flanc couvert de fourrure. Il tenta de calmer les tremblements de sa main et la déposa fermement mais doucement sous l’omoplate velue. L’absence de réaction le conforta dans son élan et il se hissa sur son dos.

À peine eut-il le temps de passer ses jambes de chaque côté de la croupe que le griffon se leva et déploya ses ailes. Les mains du nain enserrèrent rapidement deux épaisses touffes de poils dans le dos de l’animal et il se blottit fermement. Sans crier gare, la chimère s’envola en un violent tourbillon d’air et fila hors de la grotte, guidée par les pensées de son cavalier d’un jour.

La légende raconte qu’il dut gravir seul la pente de la montagne à la recherche de l’entrée de la grotte. Qu’il dut apprivoiser seul le griffon et gagner le camp ennemi afin de renverser le cours de la guerre. Les quatre familles s’illustrèrent contre les gobelins, à l’issue de laquelle le roi s’engagea à faire de l’un d’eux son successeur.

 Aslaug - Contes & légendes

* L'illustration de cette Légende représente une bataille Légendaire entre le peuple Nain et le peuple Gobelin.

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